jeudi 7 novembre 2013

Popeck au théâtre de l'Archipel

Popeck en petit comité L'Archipel - Salle 1 (bleue) Affiche

POPECK, LE SPECTACLE

Popeck est un personnage mythique. Indémodable. Ma grand-mère est fan, mes parents l'adorent. J’ai découvert l’acteur dans “Rabbi Jacob”. De l’humoriste je ne connaissais qu’un seul sketch, “Chez Maxim’s”, la silhouette à la Chaplin, l’accent yiddish et l’air bougon. Autant dire qu’au moment d’entrer dans la salle, ma culture popeckienne est nulle. Je découvre un comédien formidable. Qui nous fait croire que le jeune talent qui était censé faire sa première partie en chansons n’est pas venu et qu’il doit le remplacer au pied levé. Avec une guitare qu’il attache grâce à un cordon de rideau, dont les pompons se balancent de part et d’autre, et qu’il ne commencera pas tant que lesdits pompons se balanceront…


Le ton est donné d’emblée: c’est complètement absurde, décalé, jouissif. Popeck retrouve avec bonheur ses meilleurs sketchs, et nous aussi. Il chante, on chante avec, il nous engueule, dit qu’il est pas Enrico Macias et qu’on doit le “laisser chanter tout seul!”, alors on l’écoute religieusement et il nous engueule parce qu'il aime pas Paris, les Parisiens sont durs, il rentre de tournée et là-bas c’est mieux… il râle après sa femme, éternelle “saleté”, tente de vendre ses caleçons molletonnés dans une partouze, lance des morceaux de pain sur le public pour faire venir les pigeons, plus tard les spectateurs ont droit à des balles de golf…

Le public est conquis, ravi de retrouver ce personnage “en petit comité”. Popeck est en forme, la scène est son domaine, il apostrophe les spectateurs, boit de l’eau d’Evian et en fait la pub car ainsi Evian le fournit gratuitement… Les comiques de ONDAR n'ont qu'à bien se tenir: le roi Popeck est de retour, il est indétrônable, indispensable, essentiel. Et ce n’est qu’un début…





POPECK, LA RENCONTRE


A peine sommes-nous entrées dans sa loge que Popeck se plaint du public parisien: “C’est dur.” Cet éternel râleur sympathique vient de nous enchanter pendant 1h20 sur la trop petite scène du théatre de l’Archipel, et il trouve encore la force de… râler. Popeck ne change pas, et c’est tant mieux. Et de nous expliquer que “c’est l’horreur à Paris. Et je suis pas le seul à le dire!” Nous, on vient de passer un super moment en compagnie de ce personnage indémodable en redingote et chapeau melon, et on sent que l’interview ne va pas nous décevoir… on s’installe face au comédien fatigué mais intarissable sur sa prestation et l’accueil qu’il vient de recevoir: ce théâtre, “c’est pas fait pour une salle de rire.” Ah bon? pourtant on a trouvé que l’ambiance était bonne. Mais Popeck, en vieux briscard du rire, (plus de 40 ans de carrière!), a l’habitude des publics parisiens et provinciaux, (il tourne en Suisse, Belgique, est allé jusqu’à Montréal et Tel-Aviv), et il nous explique la différence: “Le rire c’est quelque chose d’électrique.” Il lui faudrait une salle à l’italienne. Blasé, Popeck? ce serait plutôt le public parisien qui le serait. Son assistant, Didier Lardenois, n’en revient pas non plus de cette différence entre les spectateurs parisiens et les autres: “Pourquoi ça rit tellement en Province?”
Popeck: “C’est la fête! quel triomphe en Suisse.”
En Israël aussi, il a connu un très gros succès devant une salle de 600 places. Il a eu droit à un article dans le journal de l’armée, et semble en être fier.




Comment pourrait-il en être autrement? Cet enfant caché a grandi à l’OSE. Sa mère n’est pas revenue d’Auschwitz. Du yiddish, langue maternelle et paternelle, il n’a retenu que les mots de l’enfance, avant que la catastrophe ne vienne bouleverser sa vie. Il avoue avoir tiré un rideau de fer sur son passé, comme tous les enfants de l’OSE. Formé au cours Simon, où il passe trois ans et dont il sort avec deux premiers prix, il fait ses débuts au cabaret, en même temps que Poiret et Serrault. Les temps sont durs: à l’époque les comiques n’avaient pas droit à plus de 10 minutes sur scène. C’est là que Popeck rôde son sketch du tribunal, qu’il reprend aujourd’hui dans son spectacle et qui est absolument hilarant, où il se retrouve face à un juge suite aux accusations portées par sa femme (“cette saleté!”) pour coups et blessures. C’est surréaliste, poétique, dingue, popeckien. Popeck, c’est un hommage à tous ces immigrés juifs d’Europe centrale qui n’ont jamais réussi à perdre leur accent yiddish, et ont tenté de s’intégrer à la société française tout en restant très… polacks. Il s’inspire également de situations de la vie de tous les jours, qu’il vit ou dont il est le témoin amusé et inspiré. A plus de 70 ans, il nous parle encore de son poisson Moïse qu’il promène dans les bassins du château de Versailles le dimanche pour l’aérer, de sa promenade de nuit au bois de Boulogne où il se retrouve embarqué dans “une noce”, de sa leçon de golf à l’île Maurice (“Alors j’étais en vacances à l’île Maurice… grâce à vous!” dit-il au public), des préservatifs qu’il a trouvés dans la poche de son petit-fils de 9 ans, et de son fameux et légendaire dîner chez Maxim’s.



Mais comment tout ceci a démarré? d’où lui vient cette vocation?
C’est dans une synagogue que ce Juif qui se qualifie de laïque a démarré sa carrière: il prend des cours de théâtre à la synagogue de la Varenne-Saint-Hilaire où il joue “Maître après Dieu” pour Hanouka, ainsi qu’une pièce de De Funès. Le Président de la communauté de la Varenne lui conseille d’aller prendre des cours de théâtre dans l’arrière-salle de la synagogue Notre-Dame-de-Lorette… (à l’époque, les synagogues proposaient des cours de théâtre), où le prof lui dit: ”Perds pas  ton temps ici”. A 17 ans, Popeck se retrouve au cours Simon. La suite, on la connait…


Popeck et "Rabbi Jacob"
A l’époque Popeck fait du cabaret et n’a toujours qu’un seul sketch, celui du tribunal. Seuls deux comiques faisaient des one-man-shows: Raymond Devos et Fernand Raynaud. Parallèlement il joue le rôle de Matti dans la pièce de Brecht, “Maître Puntila et son valet Matti”, sous le pseudonyme de Jean Herbert. Au départ Popeck est pressenti pour jouer le “chauffir” de De Funès, Salomon. Finalement, son accent “un peu yiddish mais pas trop” lui fait décrocher le rôle du père du bar-mitzvah. Parti pour tourner pendant 8 jours, il restera sur la totalité du tournage, conseillant De Funès pour des répliques, pour l’accent, improvisant sans cesse. Oury et De Funès réécriront son rôle.

Il voudrait nous en dire plus encore, et on aurait encore plein de questions à lui poser. Mais il doit rentrer. A pied: c'est son sport quotidien. On le quitte à regret, avec la certitude de le revoir dans deux ans au Casino de Paris ou à l’Olympia. Si si! c’est prévu. Qu’on se le dise: Popeck n’est pas près de prendre sa retraite...








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