mercredi 8 mai 2013

Yuval Amihai Ensemble: concert du 2 mai à la péniche Anako

Presque une semaine après leur concert à la péniche Anako sise dans le bassin de la Villette face au 61 quai de Seine, je suis encore sous le charme. 

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Ce groupe constitué de cinq musiciens, Damien Fleau au saxophone soprano, Etienne Bouyer au saxophone ténor/soprano, Oliver Degabriele à la contrebasse, Gautier Garrigue à la batterie et Yuval Amihaï à la guitare et à la composition, dégage une énergie et une passion hyper-communicatives. Avec le Yuval Amihaï Ensemble, vous voyagez sans bouger de votre chaise; c'est assez magique. On a souvent envie de se lever pour se trémousser sur les rythmes orientaux qui parsèment le concert, on suit avec une certaine fascination le travail des musiciens, qui font corps avec leur instrument pour en tirer des sons saisissants, puissants, évidemment harmonieux.

 

Yuval Amihaï est un génie: cet israélien né en 1981 à Beer-Sheva commence l'apprentissage de la musique à huit ans; très vite, il fréquente les meilleurs musiciens israéliens, compose de la musique de chambre pour le quatuor à cordes de sa ville natale; il écrit également pour Yair Dalal, célèbre joueur d'oud. Bref, vous trouverez toutes les informations concernant sa biographie sur son site. C'est un génie non seulement de par sa précocité et son parcours, mais aussi et surtout de par cette symbiose qu'il a su créer au sein de son groupe, constitué en 2008, soit trois ans après son arrivée dans la capitale française qui attire décidément des artistes talentueux venus des quatre coins de France et du monde. En entendant le nom du groupe on pourrait croire qu'il est exclusivement israélien; erreur, seul son fondateur l'est. Déjà influencé par les nombreux courants musicaux que l'on trouve en Israël, il a intégré à son groupe des musiciens professionnels également porteurs d'influences diverses et ouverts à tout ce que la musique peut leur apporter. J'en veux pour preuve le saxophoniste Damien Fleau, qui imprime à son jeu une puissance véritablement hypnotique; son souffle transforme son instrument en une partie intégrante de son être. Il joue également avec Cheik Sidi Bémol et le groupe de jazz Festen, où joue aussi Oliver Degabriele. Les musiciens du Yuval Amihaï Ensemble multiplient les expériences et les collaborations, et leur jeu s'en ressent, riche et complexe.


         
Damien Fleau et Gautier Garrigue

 Chacun eut droit à son quart d'heure de gloire, car Yuval laisse lors de ses concerts une large plage d'impro à ses amis. Ils nous ont gâtés! Oliver Degabriele, originaire de l'île de Malte, qui en plus d'être un contrebassiste surdoué, est également un photographe surdoué, Etienne Bouyer, né à la Réunion, violoniste puis saxophoniste, Gautier Garrigue, trop souvent caché derrière sa batterie, ont fait naître au fond de la péniche Anako des émotions intenses. C'est toujours extraordinaire de se trouver face à des musiciens jeunes, professionnels, talentueux et passionnés.

Etienne Bouyer et Oliver Degabriele


"Rikud LaShalom", "Kmo Yam", "Kadimuchka", "Ma Avareh" furent joués; beaucoup de morceaux du groupe sont inspirés de chansons issues du folklore israélien, que Yuval a fait découvrir et aimer à ses collègues, et que le public parisien découvre ou redécouvre. Il y avait ce soir-là beaucoup d'Israéliens et Franco-Israéliens, familiers de ces mélodies de leur enfance. On pouvait en entendre fredonner les paroles, à l'unisson du jeu des musiciens. L'ambiance était parfaite, enjouée.

Yuval Amihaï
                    

Jusqu'à ce qu'ils interprètent "Cher M.Wiesel", que Yuval nous présenta comme extrait de leur deuxième album, un hommage à Elie Wiesel dont Yuval eut l'idée en lisant La Nuit. Vous pouvez les voir interpréter ce morceau au bas de la page vidéos de leur site. Mais vous ne ressentirez pas le dixième de ce que j'ai pu ressentir en les écoutant jeudi dernier. C'est un morceau très dur, qui fut joué avec l'intensité que vous devinez après avoir lu ces quelques lignes. Damien Fleau et Etienne Bouyer, les saxophonistes, nous ont fait entendre rien moins que des hurlements. Pour ceux qui ont lu La Nuit, ils comprendront certainement à quoi je fais allusion. Je n'avais jamais entendu une œuvre traitant de la Shoah transformée en morceau de jazz; en fait, maintenant que j'y pense, il y a bien quelques poèmes de Paul Celan, dont le fameux "Todesfuge", qui furent adaptés en musique. Mais pour moi c'était la première fois que j'assistais à une performance de ce genre en live. Et du jazz... cela suscite énormément de questions. Que j'allai poser à Yuval à l'issue du concert. Comme moi, et comme beaucoup, il a été très frappé par La Nuit, qu'il a lu vers 25 ans. La mélodie lui est immédiatement venue, il fallait qu'il en fasse un morceau. Il l'a présentée à ses musiciens, qui n'avaient pas lu le roman autobiographique de Wiesel, et qui malgré tout ont su comment il fallait l'interpréter.

Oui, décidément, ce fut une soirée riche en expériences et en découvertes. Merci au Yuval Amihaï Ensemble pour ce très beau moment.

Le prochain concert du Yuval Amihaï Ensemble se jouera le samedi 13 juillet au Sunset/Sunside à Paris. Venez nombreux.

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