samedi 6 avril 2013

Benny Torati: "La ballade du printemps", grand gagnant du Prix du public au Festival du Cinéma israélien de Paris 2013

En anglais, ça donne "The Ballad of the Weeping Spring". En hébreu, à peu près la même chose: "Ballade pour le printemps qui pleure". C'est un film aux allures de western, une fable, hors-du-temps, au parti-pris totalement cinéphilique, poétique, loufoque. Les influences de Benny Torati, né en 1956 en Israël de parents émigrés d'Iran, sont nombreuses et variées: ça va de Akira Kurosawa ("Les Sept Samouraïs") à Chaplin en passant par Fellini et Vittorio da Sicca. On y a aussi trouvé un hommage à Almodovar, dans une magnifique scène de cabaret où Torati filme de manière langoureuse une chanteuse en fourreau rouge écarlate, un peu à la Rita Hayworth en fait. Bref, on s'y perd dans toutes ces références, car le fait est que Torati est un cinéphile averti et que son film s'en ressent. Et c'est tant mieux, car c'est un régal pour le spectateur amoureux du cinéma.

                                            Affiche La Ballade du printemps

Yossef Tawila formait un groupe de musique perse avec Margaret, sa maîtresse, (magnifique Ishtar), Avram Mufradi et deux autres musiciens. Le groupe était talentueux. Un soir, alors qu'ils rentrent d'un concert, ils ont un accident. C'est Yossef qui conduisait. Il survit, ainsi que Mufradi et Margaret, et les deux autres musiciens sont tués sur le coup. On précise que Margaret en ressort handicapée, et passera le reste de sa vie en fauteuil roulant. Tawila écope de quelques années de prison.

Le film débute sur un jeune homme qui entre un soir dans un cabaret. Il est à la recherche de Yossef Tawila. Le barman lui explique que le bonhomme ne passe pas souvent. Il finit par arriver, pour récupérer une caisse de légumes. Entre-temps on aura eu droit à un mini-concert de musique perse de toute beauté. Le barman explique à Tawila, homme visiblement las, blessé par les années, un peu ours, que le jeune veut lui parler. Tawila refuse. Le jeune homme s'empare alors d'un instrument et en joue, divinement bien sûr, car il est le fils de Mufradi, à l'article de la mort. Et sa dernière volonté, c'est que Tawila recrée le meilleur groupe de musique perse et joue à son chevet "La ballade du printemps qui pleure", écrite vingt ans plus tôt par Mufradi. Evidemment, Tawila accepte. A-t-il le choix?

C'est le début d'une balade, pour créer une ballade. Le jeu de mots est facile, mais il retranscrit parfaitement ce film: Benny Torati se balade, il se promène véritablement, il prend le temps de filmer longuement ses acteurs, leurs expressions, chaque scène, pour mieux nous transmettre un sentiment de calme, de plénitude, de détermination, à l'image du héros, Tawila, qui tient à recruter les meilleurs musiciens pour jouer une dernière fois devant son ami. C'est une mission, et il la prend comme une façon de se racheter du mal qu'il a fait alors qu'il était au volant de cette voiture, vingt ans plus tôt. Ils vont de village en village, dans un pays à la topographie rythmée par la musique, où chaque habitant se balade avec un instrument de musique, respire musique, vit musique. Et boit. Car il est beaucoup question d'arak dans ce film... on a oublié de demander au réalisateur combien de bouteilles ont été descendues lors du tournage, et si c'était vraiment de l'arak dedans?

Quoi qu'il en soit, c'est un parcours enchanté où Torati déclare sa flamme au cinéma et à la musique, celle qui suit la route de la soie, d'Afghanistan à la Turquie et à l'Espagne. C'est un film sur l'amitié, la mort, la transmission, la beauté. On s'esclaffe devant certaines scènes dignes de Kusturica ou Chaplin, on retient non sans peine quelques larmes à la scène finale. C'est un petit bijou auquel on souhaite une belle réussite, et on espère voir très vite d'autres films de Benny Torati, cinéaste israélien doué d'une imagination, d'un humour et d'une tendresse décidément très communicatifs.

Pour vous donner une idée de la façon dont Benny filme ses scènes, voici un lien vers son film "Desperado Square" sorti en 2001:

 http://www.israelifilms.co.il/40420/Desperado_Square

Et pour vous donner une idée de l'effet que ce film a fait sur les spectateurs du Festival, suivez ce lien:

http://www.youtube.com/watch?v=ySFQmn5hdPc

"The Ballad of the Weeping Spring", long-métrage couleur, 1h45, scénario: Benny Torati. Interptètes: Uri Gavriel, Ygal Adika, Mark Eliahu, Adar Gold, Nir Levi, Dudu Tassa, Ishtar. Production: Chayim Sharir, Leon Ederi, Moshe Ederi. Photo: Amnon Zlayet. Montage: Yosef Grunfeld. Musique: Mark Elyahu.





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