lundi 25 février 2013

Savyon Liebrecht: Un toit pour la nuit

Un toit pour la nuit

Tout d’abord c’est l’écriture qui vous happe, intimiste et sensible, souvent poétique. Un toit pour la nuit, recueil de sept nouvelles publié en 2002 chez Keter, Jérusalem, disponible en français depuis 2008 grâce à l’excellent travail de quatre traductrices, Ziva Avran, Fabienne Bergmann, Joëlle Marelli et  Arlette Pierrot, appartient sans aucun doute possible à l’une des plumes féminines israéliennes les plus sensibles du moment.
    
Ces sept nouvelles sont placées sous le signe de la quête désespérée d’identité, de racines, et de sens. Amérique s’apparente à un ring sur lequel s’affrontent les douleurs et les souvenirs de deux petites filles devenues adultes dont la vie a à jamais basculé suite au départ de la mère de l’une avec le père de l’autre pendant leur plus tendre enfance. L’auteure retrace la trahison, le sentiment d’abandon, de culpabilité, la haine éprouvés au fil des années, jusqu’au face-à-face final, cruel. Comme quoi le crime ne paye pas... 

Si vous aimez les kibbutzim et surtout les kibbutznikim, alors épargnez-vous la lecture de la deuxième nouvelle, qui détruit un mythe déjà passablement érodé... les autres, régalez-vous. Kibboutz se lit comme un mini roman policier qui se joue à huis-clos, dont le drame apparaît au fil des réminiscences des deux protagonistes. Encore une fois, c’est un constat implacable sur la cruauté de l’homme.  

Hiroshima et Jérusalem, séparées par deux nouvelles, offrent le début et la fin du destin original et tragique, entre Israël et le Japon, d’une architecte israélienne partie étudier à Hiroshima, pensant s’éloigner d’une relation passionnée et difficile. Mais peut-on trouver le bonheur dans une ville-martyre, hantée par la catastrophe ?  

Munich nous ramène en Europe, là où on peut considérer que la Shoah a commencé. Le spectre du nazisme y rôde. Envoyé spécial pour couvrir le procès d’un ancien SS, un journaliste israélien va se retrouver le témoin d’un meurtre perpétré par des néo-nazis. L’histoire se répète, seules les victimes ont changé. La dernière nouvelle, qui offre son titre au recueil, est la plus étrange, la plus déroutante. Elle mêle l’onirisme à l’écriture de la catastrophe, Tchernobyl s’y lit en filigrane, une inquiétante Cheminée aérienne évoluant au-dessus d’un monde dévasté menace la petite communauté survivante d’un drame, nucléaire, météorologique, apocalyptique certainement.  La dernière phrase permet l’espoir, à moins qu’elle ne se lise comme une ultime marque de cynisme : « Quelle belle aurore nous avons aujourd’hui ! »
 


Nouvelles traduites de l’hébreu par Ziva Avran, Fabienne Bergmann, Joëlle Marelli, Arlette Pierrot.

 Buchet/Chastel, un département de Meta-Editions, 2008.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire