lundi 25 février 2013

Amos Oz: Vie et mort en quatre rimes



Cet opus d’Amos Oz est déconcertant, rafraîchissant, drôle et désabusé. Par le truchement de son double, « l’auteur », Amos Oz nous entraîne dans les méandres de son imagination aux prises avec le réel, pour nous livrer une critique du monde des lettres et de certains de ses représentants au verbiage souvent inutile et lassant, et une belle leçon d’écriture.
    
Invité à une table ronde dans un centre communautaire quelque part à Tel-Aviv, « l’auteur » prend le temps de s’attabler dans un café où il tombe sous le charme de la serveuse  et se met à lui inventer une romance avec un certain Charlie, puis il avise deux consommateurs et imagine leur identité. Arrivé à la soirée qui se tient en son honneur, il observe son public, blasé, se moque de l’attaché à la culture qui présente un exposé littéraire que « l’auteur » écoute à peine, tombe sous le charme de la lecture de passages de son roman par une jeune fille timide, invente des vies à son public. Aucun détail ne lui échappe : sous son regard à la fois moqueur et fasciné, c’est l’humanité qui défile, celle qui fait la chair des meilleurs romans. Le temps d’une nuit, il va errer dans Tel-Aviv, se raconter des histoires, dessiner un espace-temps où la création se mêle à la vie, une dimension onirique puisée à même la réalité, l’univers de tous les possibles : la littérature.
  
 Ainsi le réel et l’imaginaire ne cessent de se mélanger.  Cette conférence est un prétexte à une plongée au cœur de la création littéraire. Le roman s’ouvre sur une série de questions que « l’auteur » aura à affronter plus tard dans la soirée : « Voici les questions qui reviennent sur le tapis : Pour quelle raison écrivez-vous ? Et pourquoi de cette manière ? Cherchez-vous à influencer vos lecteurs, et si oui, dans quel sens ? Quel rôle vos récits jouent-ils ? (…) Quel effet cela vous fait-il d’être célèbre ? Et quelles en sont les incidences sur votre famille ? (…) Ecrivez-vous à la main ou à la machine ? Combien vous rapporte grosso modo chacun de vos bouquins ? (…) Que pense votre ex-femme des personnages féminins de vos romans ? Au fait, pourquoi avez-vous quitté votre première épouse, et la seconde aussi ? … » D’emblée, Amos Oz pose le ton : ce roman a vocation à clouer le bec aux questions indiscrètes, pour ne pas dire autre chose, qu’il rencontre trop souvent lors de ses conférences.
 
    
 L’écrivain écrit car il s’ennuie, il est curieux, la réalité ne le satisfait pas, les gens l’intéressent. Amos Oz écrit pour réenchanter le réel, car il a une imagination débordante, une tendresse immense pour le genre humain, et une plume légère comme une bulle de savon.


Roman, Gallimard. Traduit de l’hebreu par Sylvie Cohen

Editions Gallimard, 2008, pour la traduction francaise.

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