lundi 25 février 2013

Avraham B. Yehoshua: Un feu amical



Un couple se sépare pour une semaine. La semaine de Hanouka. Ils sont mariés depuis trente ans et ont toujours été ensemble. Mais il s’agit d’une situation exceptionnelle : Daniella se rend en Afrique centrale pour voir son beau-frère et faire le deuil de sa sœur aînée, morte un an auparavant, et Amotz est retenu à Tel-Aviv par son travail : il dirige un bureau d’études de construction d’ascenseur, et leur dernière réalisation ne satisfait pas les utilisateurs. 
Le roman s’égrène au fil de sept chapitres, pour sept bougies qu’Amotz allumera avec son père, sa belle-fille et ses petits enfants, sa fille, son fils à la base militaire où il se trouve aux arrêts après avoir trop séché ses périodes de réserve... tandis que Daniella affronte    une toute autre réalité : celle de son beau-frère, veuf, homonyme du prophète Jérémie, qui porte encore le deuil de son fils mort pendant son service militaire sous un « feu amical », autrement dit abattu par erreur par ses camarades lors d’une embuscade, et qui refuse tout contact avec Israël et le judaïsme, au point de vouloir rester en Afrique. 
Avraham B. Yehoshua décrit avec une rare maestria les relations familiales, avec d’un côté un grand-père aux prises avec tous les membres de sa famille, soit trois générations, et de l’autre une femme ayant toujours été surprotégée par son époux, soudain seule face à un septuagénaire devenu étranger à force d’aigreur, de douleur, d’égarement. Chaque chapitre est divisé en paragraphes alternant avec une rigoureuse régularité les voix d’Amotz et de Daniella, au gré de la fête de Hanouka et de ses bougies allumées soir après soir, porteuses d’espoir et de chaleur. On se prend à redouter le retour de Daniella à la turbulence tel-avivienne après son séjour au cœur d’un continent dévasté, auprès d’un homme qui ne l’est pas moins. L’étrangeté africaine rejaillit sur Tel-Aviv et Jérusalem par le biais d’ascenseurs défectueux qui seront source de bien des surprises. A tout ceci s’ajoute le poids du souvenir d’Eyal, mort sous les balles d’un feu amical, et qui hante la majorité des protagonistes de ce récit, porté par un souffle qui ne vous laissera pas retomber de sitôt. Peut-être aurez-vous du mal à y entrer, mais une fois dedans, vous ne pourrez être qu’emporté par cet ascenseur littéraire, admirable construction qui vient confirmer, si vous en doutiez, le génie de son auteur. 
 


Roman, Calmann-Lévy; 2008


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