lundi 25 février 2013

Eshkol Nevo: Quatre maisons et un exil

         

Eshkol Nevo est un jeune et prometteur auteur né en 1971, dont le premier roman, Quatre maisons et un exil, paru en 2004 en Israël, est traduit depuis 2008 par Raïa Del Vecchio aux éditions Gallimard. Ne le loupez surtout pas ; achetez-le, empruntez-le, volez-le, faites ce que vous voulez, mais lisez-le ! Il est interdit de passer à côté de ce roman, véritable tour de force littéraire pour bien des raisons : le choix des thèmes, l’écriture riche, surprenante, le portrait de tous ces personnages hauts en couleurs, extrêmement attachants, profondément humains. 

Revenons au titre : en hébreu il s’intitule ארבעה בתים וגעגוע ; arba batim vegaagoua. On peut être étonné de la traduction de gaagoua par « exil », געגוע signifiant plutôt le fait de se languir, manque. Mais une fois l’histoire lue, on peut comprendre ce choix, qui respecte un certain aspect de la narration, un trait que se partagent quelques personnages : l’exil. L’exil de Sadek et de sa famille en 1948 et le rêve de l’impossible retour dans la maison à présent habitée par des Juifs, l’exil d’Amir, étudiant trimballé de ville en ville et même hors d’Israël par ses parents durant toute son enfance, incapable de s’attacher à ses amis car conscient de l’imminence du départ, l’exil final de Yotam et de ses parents vers l’Australie quelques mois après la mort de Guidi, le fils aîné, lors de son service militaire au Liban. Les descriptions terribles de cette famille en deuil, où toute communication a cessé, les récits pathétiques de la vieille mère de Sadek qui ressasse à longueur de journée la nekba, les disputes violentes de Sima et Moshé, jeune couple en difficulté à cause de l’emprise grandissante de la famille orthodoxe de Moshé, l’assassinat de Rabin et les attentats qui suivent, menacent à chaque page l’équilibre précaire de ce roman, de ces vies, miroirs de la société israélienne trop souvent submergée par le deuil, la haine, la méfiance, la peur. 

Mais tous ces passages dramatiques alternent avec des paragraphes empreints d’une incroyable humanité, d’une grande tendresse, et surtout d’un humour toujours juste, qui fait soudain revenir le sourire aux lèvres, et nous rappelle la force de vie que recèle ce pays. Amir et Noa, qui tentent la belle expérience de la vie de couple pour la première fois et se retrouvent à la croisée de tous ces destins, incarnent à eux seuls la victoire de l’espoir. Merci, Mr. Nevo, pour cette vision optimiste, pour ce livre émouvant, pour cette ode à la vie. 


Roman, Gallimard, 2008.




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