Qui n’a pas entendu parler du procès Eichmann ? sa capture par une
équipe du Mossad en Argentine, comment il fut ramené en Israël, sa froideur, ce
petit homme à lunettes dans sa cage de verre, l’émotion suscitée en Israël, la
volonté de Ben Gourion d’en faire un événement pédagogique, l’émergence dans le
pays de la question de la Shoah, la fameuse théorie de la banalité du mal par
Hannah Arendt… mais qui sait ce qui se cache derrière ce procès, à savoir, son
organisation, la récolte des preuves, le travail des enquêteurs sur le meurtre
de six millions de Juifs… ?
Ce n’était pas un travail d’enquêteur de police, mais d’historien. 15 ans
après la fin de la 2nde Guerre Mondiale, un des cerveaux de
l’extermination des Juifs se trouvait entre les mains de ses victimes. Avec
toutes les preuves récoltées contre lui, ils auraient pu le tuer au bout d’un
jour. Mais il fallait faire un procès en bonne et due forme, pour l’exemple, au
grand jour, pour montrer aux Israéliens
nés dans le pays avant la catastrophe ce qu’avaient subi leurs frères qui
avaient survécu et à qui ils reprochaient de s’être laissé tuer comme des
moutons. Pour libérer la parole aussi. Une équipe de choc est mise sur pied,
tous policiers, tous parlent allemand, chacun s’occupe d’un pays d’Europe, l’un
d’eux est préposé aux documents ayant trait à Eichmann et le gaz… Pendant 9
mois, 6 jours sur 7, jusqu’à 18 heures par jour, ils lisent, s’instruisent,
découvrent des horreurs, tant et plus, reçoivent des témoignages de Juifs du
monde entier, pensent Shoah, parlent Shoah, respirent Shoah. Ils sont investis
d’une mission sacrée. Ce sont eux les véritables architectes du procès le plus
marquant de l’histoire du 20ème siècle.
L’un d’eux, en raison de l’excellence de son
allemand, est chargé d’interroger Eichmann. Il passe ainsi de nombreuses heures
enfermé avec le monstre, à l’écouter plus qu’à l’interroger. Car Eichmann a
beaucoup parlé, mettant au service de l’équipe des heures et des heures
d’enregistrement, dûment retranscrites. C’est un face-à-face d’égal à
égal : les deux hommes ont le même grade dans la hiérarchie militaire,
Eichmann donne sans cesse du « Jawohl, Herr Hauptmannquelque chose » à son
interlocuteur. Discipliné. Hitler lui dit d’exterminer, c’est son supérieur, il
extermine. Quand il demande à l’Israélien s’il a des parents, des frères et
sœurs, l’homme lui répond que son père a été déporté par les nazis ;
Eichmann lui répond : « Mais c’est horrible ! C’est
horrible ».
On n’y comprendra jamais rien.
Ce documentaire était présenté au Festival du Cinéma israélien de Paris.
Cet article est également paru sur le site du magazine L'Arche.
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