Le Festival du Cinéma Israélien a présenté cette année la première partie du
documentaire sorti en 2013 sur un géant aussi adulé que honni de sa
génération : Yechayahou Leibowitz.
Impossible de demeurer indifférent face à la hauteur d’âme du
« Prophète d’Israël ». Le documentaire montre quatre de ses
petits-fils, qui partent sur ses traces. L’un d’eux, filmé dans le jardin de
l’immeuble où vivait son grand-père, à Jérusalem, nous apprend que le décès de
son grand-père reste mystérieux. Un de ses cousins le rejoint, on les suit dans
le quartier où a vécu Leibowitz, on entre à leur suite dans la synagogue
Yechouroun où il priait quotidiennement, assis au 2ème rang, entouré
d’un « feu sacré » tout le long de la prière, indifférent à ce qui
l’entourait. Car Leibowitz était avant tout un croyant. Tel Maïmonide, il
servait Dieu de manière indifférente. Il n’attendait rien de Lui. Il Le servait
car il est écrit que les Juifs doivent le servir. Le verset dit qu’il faut
surmonter sa nature humaine, tel le lion, et servir Dieu. Leibowitz explique
qu’il n’est pas dans la nature humaine de servir Dieu, de se lever tous les
matins, de poser les Tefilin, mettre le Talith et prier ; c’est pourtant par
ce travail divin que l’Homme se libère de sa condition humaine. « Dieu
n’est pas une koupat ‘holim (caisse de maladie)». Leibowitz ne
demandait rien à Dieu dans ses prières. Il se contentait de prier.
Il considérait les gens qui allaient prier au Kotel comme des
idolâtres : ce n’est pas en se rapprochant de pierres qu’on se rapproche
de Dieu. Il abominait les gens qui ne respectent pas chabat, couchent à gauche
à droite, et viennent se racheter une conduite en priant au Kotel. Absurde.
Immoral. Insupportable pour l’homme ultra moral qu’il était.
Le documentaire part à la rencontre de disciples de Leibowitz, dont le
chanteur Ehoud Banaï, qui explique sa Téchouva (retour au judaïsme) et sa
compréhension de la prière grâce à Leibowitz, qui affirmait que peu importe ce
que l’on dit, pourvu que l’on prie. Il est écrit que l’on doit prier, alors on
le fait, un point c’est tout. La liturgie n’est qu’un habillage. On peut
réciter des chiffres si ça nous chante. Un rabbin interrogé se montre sceptique
face à cette froideur de la foi leibowitzienne : s’il n’y a pas d’amour
dans la relation Homme – Dieu, à quoi bon ? Autant tout laisser tomber.
Une spécialiste de Leibowitz pointe les failles du système de pensée de
l’homme : il écrit qu’on a beau avancer dans l’étude et le service divin,
on en restera toujours au même point. Autrement dit : ce n’est pas pour
soi qu’on est croyant, ce n’est pas pour s’améliorer : c’est pour servir
Dieu.
Leibowitz et son épouse ont perdu deux fils. Interrogé par une journaliste,
il affirme que le temps n’amoindrit pas la douleur. Et qu’il n’en reste pas
moins croyant.
Le documentaire montre encore tellement de gens, d’images d’archive… il ne
fait pourtant qu’effleurer l’œuvre monumentale du plus grand penseur de son
époque, grand spécialiste de Maïmonide, docteur en philosophie, chimie,
médecine, biochimie, enseignant en neurologie, biologie, neuropsychologie,
philosophie. Penseur et croyant. Homme de foi.
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