Vincent de Cointet, journaliste et réalisateur, revient sur la guerre de
Kippour, traumatisme national en Israël, en se concentrant sur les dirigeants
de l’époque, la volonté inflexible de Sadate de récupérer le Sinaï,
l’aveuglement criminel de Golda Meir et Moché Dayan, l’erreur de jugement
d’Henry Kissinger.
1967. Après l’attaque conjointe de l’Egypte, de la Syrie et de la Jordanie,
Israël sort vainqueur et récupère Jérusalem-Est, la Cisjordanie, le plateau du
Golan et le Sinaï. Les Israéliens installent la ligne Bar-Lev le long du canal
de Suez, constituée de bunkers fortifiés. En Israël, c’est la liesse et le
début d’une ère d’insouciance, assortie d’un fort sentiment de supériorité.
1969. Anouar el-Sadate est élu Président de la République égyptienne. Les
Egyptiens n’ont jamais supporté de se voir amputés du SinaÏ. Lors d’une
interview télévisée, il déclare que l’Egypte ne capitulera jamais. Il est
entendu par un diplomate aux Nations Unies, qui rédige un accord entre l’Egypte
et Israël et le soumet à Sadate, qui l’entérine. Golda rejette l’accord, qui
stipule qu’Israël rende le Sinaï à l’Egypte en échange de la promesse
égyptienne de ne pas attaquer Israël ; elle ne fait pas confiance aux
Egyptiens, et préfère conserver le Sinaï comme zone tampon. Le documentaire
s’attache à montrer l’échec des tractations diplomatiques, qui poussèrent
Sadate, acculé par son peuple, à déclarer la guerre à Israël.
Il rencontre Brejnev pour le persuader de lui vendre des avions Mig, dont
l’armée égyptienne a besoin afin d’asseoir sa suprématie dès les premières
heures de l’attaque ; il rencontre Kissinger pour lui demander de
convaincre les Israéliens d’accepter de rendre le Sinaï. Golda est inflexible ;
la guerre est inévitable. Elle était prévue, Sadate ne cachait pas ses
intentions, les Israéliens l’ont sous-estimé. Informés par un espion proche du
gouvernement égyptien, ils refusent d’y croire. Golda Meir était parfaitement
au courant de la date de l’attaque. Mais les Israéliens étaient liés par une
promesse faite aux Etas-Unis de ne pas attaquer les premiers. Pas d’attaque
préventive ! De plus, ils ne croient pas à cette guerre, malgré toutes les
informations dont ils disposent.
Cet aveuglement coûtera la vie à 3000 Israéliens. Attaqués le 6 octobre,
jour de Kippour, à 14h par l’Egypte et la Syrie, Israël met trop de temps à
rappeler ses réservistes, qui forment le gros de Tsahal. Les premiers jours
sont catastrophiques : la ligne Bar-Lev est anéantie, les Israéliens
massacrés. L’armée égyptienne avance. Puis s’arrête au bout de 7 kms. Ni Sadate
ni Assad ne voulaient rayer Israël de la carte : ils voulaient juste
récupérer leurs territoires perdus en 1967. En Israël, c’est la panique :
Golda et Dayan sont tellement surpris par l’attaque qu’ils pensent que la fin
d’Israël est arrivée. Ils parviennent à convaincre Kissinger du danger, il met
en place un pont aérien d’armes. Puis, contre toute attente, Sadate commet une
erreur : pour redonner confiance à son allié syrien, qui rencontre une
forte résistance sur le Golan, il fait avancer ses troupes, contre l’avis de
son général en chef, qui sait que si les tanks égyptiens s’enfoncent plus avant
dans le Sinaï, ils se retrouveront à la merci de l’aviation israélienne. Sadate
s’entête, et cette décision irréfléchie marquera un tournant décisif dans la
guerre de Kippour. Le 14 octobre, les tanks égyptiens s’avancent et se font
décimer par Tsahal ; l’armée israélienne reprend du poil de la bête, Ariel
Sharon s’en mêle, jette un pont sur le canal de Suez, avance en Egypte. Le vent
a tourné, l’armée égyptienne est défaite, un cessez-le-feu sera bientôt
déclaré, et une crise politique majeure éclatera en Israël.
Le documentaire s’achève sur la visite de Sadate en Israël, en 1977. Très
souriant, trop peut-être, riant volontiers, côte-à-côte avec Golda Meir. Leur
entêtement et leur aveuglement ont provoqué une guerre dont Israël ne s’est pas
encore totalement remise. On sort de ces deux heures avec un fort sentiment de
gâchis : tous ces morts pour de la terre… était-ce bien raisonnable ?
Ce documentaire était présenté au Festival du Cinéma israélien de Paris.
Cet article est également paru sur le site du magazine de L'Arche.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire