mardi 22 octobre 2013

"Auschwitz et après" de Charlotte Delbo

Charlotte Delbo était une résistante communiste. Elle fut arrêtée en mars 1942 avec son mari, également résistant et communiste. Il fut fusillé, elle enfermée à la prison de la Santé (un jour il faudra que je me renseigne sur ce drôle de nom cynique pour une prison), puis déportée en 1943 par le seul convoi de déportées politiques françaises, d'abord à Auschwitz, puis à Ravensbrück. Elle est libérée par la Croix-Rouge suédoise le 23 avril 1945 et rentre en France le 23 juin de la même année.

                         

Après la guerre, elle veut écrire, témoigner, mais elle est d'abord paralysée par le mot malheureux d'Adorno: "Il ne peut pas y avoir de poésie après Auschwitz", ainsi que par la conscience qu'elle a eue à Auschwitz qu'il lui faudrait vingt ans avant de livrer une oeuvre littéraire et non pas un simple témoignage. Elle attendra donc vingt ans avant de faire publier son récit, Aucun de nous ne reviendra, dont elle tenait le titre depuis sa déportation.

Laure Trégouët, jeune et talentueuse metteuse en scène, nous en livre une adaptation théâtrale frappante de justesse et de dignité. Elle a choisi de ne retenir de l'oeuvre que les passages relatant la solidarité qui permit à ces femmes de tenir face à l'horreur. Chloé Mahy, Sarah Gaumont et Nathalie Trégouët sont sur scène et nous font revivre cette époque et ces lieux pas si lointains, très proches en fait, qui ont vu l'homme disparaître.

La pièce dure une heure et quart. La mise en scène est implacable, le jeu des comédiennes est parfois insoutenable tant elles transmettent une émotion intense, incandescente. Comment font-elles?




Comment ont-elles fait, ces femmes, comment ont-ils fait, ces hommes, là-bas, pour survivre, pour en revenir??? La réponse que Charlotte Delbo nous propose, et qu'elle a vécue, est la solidarité, ainsi que la littérature: assistante de Louis Jouvet avant la guerre, elle monte une pièce de théâtre de Molière à Ravensbrück, parvient à se remémorer 57 poèmes en entier. Pour ne pas perdre la tête.

Sur les 230 femmes déportées avec elle, 49 sont revenues.

"Auschwitz et après", de Charlotte Delbo, mise en scène Laure Trégouët, au Théâtre du Gymnase, jusqu'au 29 décembre 2013.






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