lundi 25 février 2013

Naomi Ragen: Sotah



Ce n’est pas pour le style que vous lirez ce roman. D’emblée, vous êtes introduit dans la chambre de Haya Léa, Dvora et Dina, trois sœurs d’une famille harédi de Méa Shéarim, à Jérusalem. Il n’en manque qu’une pour la comparaison avec les Quatre Filles du Dr. March. Bon, je ne peux résister au plaisir de vous faire partager toute la beauté littéraire de ces premières lignes (chacun connaît l’importance de l’incipit qui donne le ton à tout le roman) : « Mais bien sûr que je comprends, s’obstina Haya Léa en mordant l’oreiller qu’elle serrait contre sa poitrine pour s’empêcher de hurler de dépit. Ce que je ne comprends pas, par contre, c’est comment tu peux consentir à tout aussi docilement ! Comment peux-tu tout bonnement l’épouser !? » Et ça continue dans cette écriture jusqu’à la dernière page. On ne se refait pas...

Vous l’aurez compris, Haya Léa, la benjamine, est la rebelle, celle à qui elle s’adresse, Dvora, l’aînée, est la bonne jeune fille religieuse qui file droit, et la cadette, pour l’instant muette et décidément très discrète en ces premières pages, c’est Dina. Dina, la douce, belle et frêle Dina, va se retrouver déçue par un premier shiddoukh (mariage arrangé) dont elle était tombée amoureuse, mais dont les parents vont s’opposer au mariage car elle n’est pas assez riche pour subvenir aux besoins de leur fils, un talmid khakham (homme étudiant exclusivement la Torah) destiné à passer sa vie dans un kollel (yéchiva, école talmudique). Il est donc question dès le départ de mariage, cette sacro-sainte institution aux règles sévèrement régies dans le monde religieux. Le shadkhan (match-maker) y joue un rôle non-négligeable, et les parents y font en général la pluie et le beau temps. Dina finira par épouser Judah, menuisier de son état, qui est tombé amoureux d’elle dès le premier regard. C’est le plus beau personnage du roman, humble, en adoration, et qui pardonnera tout. Car Dina le trompe. En tout cas, c’est ce dont la brigade des mœurs, chargée par on ne sait quelle autorité de faire respecter les règles de la Torah, est persuadée après l’avoir suivie à Tel-Aviv où elle a retrouvé un homme de sa communauté, marié, qui l’attire depuis longtemps. 

Naomi Ragen dévoile les travers d’un monde fermé régi par des règles tellement  strictes qu’il est impossible de ne pas faire un faux pas, un jour. Dina, élevée dans le respect des lois, se retrouve un après-midi en maillot de bains sur une plage mixte de Tel-Aviv, puis dans une chambre d’hôtel avec un homme qui n’est pas son mari. C’en est trop pour la brigade, qui l’oblige à un douloureux exil à New-York. Heureusement pour elle, elle va tomber sur une femme formidable qui va l’aider à regagner son estime de soi, et la guider dans le chemin de la rédemption. Naomi Ragen est américaine d’origine, on ne pouvait donc en toute bonne foi s’attendre qu’à un happy end
 
Dina sera sauvée, mais entre-temps nous aurons découvert les méthodes pour le moins douteuses de cette brigade des mœurs qui sévit véritablement à Méa Shéarim, et qui se rend coupable d’actes encore plus horribles, comme le passage à tabac de femmes soupçonnées d’adultère. Dina s’en sort plutôt bien. La question qui nous taraude : « Alors, dans cette chambre d’hôtel, à Tel-Aviv, a-t-elle, oui ou non... ? » sera résolue à la fin de cette histoire invraisemblable, mais prenante. 


Yodéa Editions, roman, 2009 pour la traduction française.

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