lundi 25 février 2013

Mira Maguen: Des papillons sous la pluie

magen.jpg

A 19 ans, Hava, qui se fait appeler Eva, ou celle-là par sa mère mama Ruth, met au monde un enfant qu’elle nomme Adam et qu’elle abandonne aux bons soins de sa mère dix ans plus tard. Entre-temps, elle aura connu de nombreux hommes, déménagé souvent, été femme de ménage et surtout vendeuse de papillons en verre. Vingt-cinq ans après son départ inexpliqué, elle réapparaît dans la vie de son fils, devenu médecin généraliste. 
    Comment grandit-on avec une mère adolescente, un père qu’on n’a jamais connu, écrasé par un camion poubelle en allant chercher des cigarettes, trimballé au gré des humeurs fantasques et imprévisibles d’une femme-enfant, dont le mot d’ordre est : « Deviens ce que tu veux être » ? Que devient-on après une enfance instable et un abandon subit ? Adam est certes devenu médecin, il a une petite amie médecin, une clientèle fidèle... mais il n’est pas marié, se contente d’être médecin généraliste alors qu’il aurait pu gravir les échelons de la hiérarchie hospitalière. Sa grand-mère, le socle de son existence, celle qui l’a élevé après le départ de celle-là, végète dans une institution depuis une attaque cérébrale. Et Hava annonce son retour... c’est le retour de la première femme dans la vie du premier homme : Eve revient à Adam après une errance longue  d’un quart de siècle.
   L’histoire bascule sans cesse entre le présent et les réminiscences, qui ne font que mieux éclairer une vie menée dans le constant espoir de voir un jour revenir cette mère dont il n’a évidemment rien oublié, qui marqua les dix premières années de sa vie et hanta les vingt-cinq autres. Au fur et à mesure du récit, Mira Maguen construit un touchant double portrait : celui d’une femme qui voulait être libre, et celui d’un enfant touché de plein fouet par ce désir fou de liberté. Des papillons sous la pluie, c’est l’histoire envoûtante d’une obsession, d’un manque, c’est le portrait, à la manière des impressionnistes, par petites touches successives, d’un homme qui voit revenir le premier amour de sa vie, la première trahison de sa vie. Un homme confronté à son destin, à celle qui l’a façonné puis abandonné, le laissant seul face à un vide immense. « D’ailleurs, que peuvent bien valoir les souvenirs d’un gamin qui a fait le tri dans sa vie et ne s’est choisi que quelques minables résidus de peur ou de grâce. » Ce roman est tout simplement magnifique. 

 Bibliothèque étrangère, Mercure de France, 2008.

    Mira Maguen vit à Jérusalem.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire