lundi 25 février 2013

Juifs et anarchistes



A priori, Juifs et anarchistes ne font pas bon ménage, le Juif étant censé respecter les lois prescrites par la Torah, tandis que l’anarchiste rejette toute forme d’autorité. Si vous ne voulez pas rester sur cet apriori, je vous conseille vivement la lecture de cet ouvrage, paru pour la première fois à Milan en 2001, publié en français par les Editions de l’éclat en 2008. Amedeo Bertolo a réuni plusieurs articles tirés d’un colloque tenu à Venise en 2000 pour présenter « la rencontre incongrue de deux traditions culturelles, de deux phénomènes apparemment étrangers l’un à l’autre, l’anarchisme et le judaïsme. » 

C’est dans le Yiddishland qu’eut lieu ce rapprochement, pour ensuite se propager au gré des émigrations juives vers l’Angleterre, la France, les Etats-Unis, l’Argentine et bien sûr Israël, particulièrement dans les kibbutzim, où il persisterait encore. Le judaïsme, terrain peu propice à l’anarchie ? Bien au contraire, apprend-on dans l’article Utopie sociale et spiritualité juive de Furio Biagini, puisque le socialisme y trouve des bases solides – on peut même dire que le judaïsme a inventé le socialisme - ; il n’y a qu’à prendre le chabat, exemple de libération de l’homme de l’aliénation quotidienne, pour se convaincre des connivences entre la religion monothéiste et la doctrine anarchiste. Le Baal Shem Tov lui-même apparaît comme un rebelle totalement irrespectueux de la tradition : voulant changer l’ordre des prières, on lui rétorqua que cet ordre avait été établi par les plus grands de sa génération, ce à quoi il répondit : « Et qui vous a dit que ces grands sont allés au paradis ? » Le cas Franz Kafka de Michael Löwy examine l’intérêt porté par l’écrivain aux doctrines libertaires et les cercles anarchistes de Prague en ce début du XXème siècle. Il n’est qu’à lire Kafka pour se persuader sans trop de peine de son horreur de toute forme d’autorité, que ce soit celle de l’Etat, ou celle du père. Le dernier chapitre nous présente trois portraits de femmes juives devenues de grandes figures anarchistes par rejet de l’autorité représentée par le judaïsme orthodoxe, la société capitaliste, le machisme... Juifs et anarchistes ! Une formule toujours d’actualité.


Ouvrage coordonné par Amedeo Bertolo

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