lundi 25 février 2013

Irène Némirovsky: Les chiens et les loups





Les Chiens et les Loups, publié en 1940 aux éditions Albin Michel, réédité en 2004, est sorti en livre de poche en 2008. Il nous offre une peinture toute némirovskyenne d’un destin juif peu commun : Ada, enfant juive née dans la ville basse d’une ville ukrainienne, est amoureuse de son riche cousin Harry, issu de la ville haute. Shtetl, pauvreté, pogrome, ascension sociale, exil à Paris, description du milieu de la finance juive, scandale financier qui rejette Ada en Europe orientale... Une vie marquée par la passion. Du shtetl à Paris, Ada ne change pas, obsédée par son amour pour son cousin, vivant dans une autre sphère, peignant les paysages de son enfance, cette Ukraine aux sombres hivers et aux étés éclatants de couleurs. C’est par son art qu’elle parviendra à se lier à Harry, pauvre petit Juif riche de la fortune colossale amassée par son grand-père, le « vieux Sinner, si riche que, dans l’imagination des Juifs, Rothschild seul le surpassait en prestige et en fortune (le Tsar Nicolas II occupait la troisième place) » ; élevé à l’abri de tout besoin, dans un luxe ostentatoire typique aux parvenus, Harry, si civilisé, si Français, que la vue de deux tableaux suffira à troubler par leur puissance d’évocation de l’ambiance de son enfance, enfouie quelque part en lui et qu’il n’a pas oubliée. 
     Peu d’écrivains ont décrit comme Irène Némirovsky la violence des pogromes, cependant atténuée par le point de vue de l’enfant (« et elle s’endormit au son des premières pierres qu’on lançait sur les vitres de la ville basse. »), le fossé qui séparait les Juifs pauvres des riches, le luxe affiché par ceux-ci, leur volonté de paraître Français à tout prix, la vaine tentative d’étouffement du bouillonnant caractère juif oriental sous des couches de ‘civilisation’, mais qui reparaît à la moindre émotion, la rencontre des ‘races’ juive et française, car Irène Némirovsky emploie ce mot, et ne se contente pas de le placer dans la bouche de ses personnages.  Les Chiens et les Loups, c’est un tourbillon de sentiments, de personnages, de désirs, de mots, c’est une trajectoire hallucinée, passionnée, tragique, qui se clôt sur un chapitre mêlant la violence de troubles liés à une probable guerre civile à la douleur puis la douceur d’une naissance. Le nouveau-né ne ressemblant à personne, on se plaît à espérer pour lui une vie meilleure, paisible, loin des chiens et des loups.

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