lundi 25 février 2013

Charles Lewinsky: Melnitz



    Melnitz, c’est la conscience juive universelle, celle qui se souvient des pogromes de Chmielnicki en Ukraine, de l’Inquisition en royaume d’Espagne, des vexations, injustices, crimes qui furent le lot des Juifs en Diaspora. Melnitz hante la famille Meijer, famille juive suisse, Suisse et Juive, dont Charles Lewinsky nous narre la saga dans une langue tour à tour tendre, cynique, drôle, tragique. 

De 1871 à 1945, nous vivons les bonheurs et les malheurs de cette famille juive typique, qui prend racine à partir de Salomon le marchand de bestiaux et de sa femme Golda, et qui s’achève en 1945 sur le constat lucide de Melnitz, cet éternel  revenant : « Profitez de la vie, dit-il. Vous avez eu de la chance, ici, en Suisse. » Oui, ils ont eu de la chance, les Juifs de Suisse. Seuls ceux qui sont sortis du pays ont été emportés dans la tourmente, d’abord celle de la Première Guerre Mondiale, puis de la Shoah. En Suisse, ils en ont eu des échos, mais, neutralité oblige... ils ont eu de la chance.                                                

 Ils ont bien essayé de coller à leur temps, que ce soit par la conversion, le sionisme, ou la yechivah. Avec toujours l’apparition de l’oncle Melnitz au moment où ils s’y attendent le moins. L’oncle Melnitz, pour leur rappeler que quoi qu’ils fassent, les autres seront toujours là pour se souvenir de leur judaïsme. Mais il n’y a pas que Melnitz dans ce roman ! Il y a Salomon, le sage marchand de bestiaux et son entêtant « Nouou ? » dont la signification varie selon le contexte, sa fille Mimi, caricature de Mme Bovary, ou d’une précieuse ridicule, sa petite-fille Désirée, magnifique incarnation de la jeune fille romantique, François l’ambitieux qui se fait baptiser et fait baptiser son fils dans l’absurde espoir de leur ouvrir les portes de la réussite sociale, Zalman le tailleur venu de Galicie, syndicaliste convaincu qui se voit bien malgré lui converti en directeur d’atelier afin d’offrir des emplois aux nombreux Juifs réfugiés en Suisse face à la montée du nazisme, le mystérieux et attachant Mr. Grün soudainement surgi d’Allemagne et capable d’apprendre à coudre en moins d’une journée, par quel miracle ? Et tous les autres, réunis dans ce tourbillon virtuose qu’est Melnitz, de Charles Lewinsky, admirablement documenté. Si vous le lisez, vous vous retrouverez hantés par ces personnages plus vrais que nature. Envoûtés. Melnitz ne vous lâchera plus.
 

Melnitz, Charles Lewinsky, roman, 2006 pour le texte original, Editions Grasset et Fasquelle, 2008, pour la traduction française.  Traduit de l’allemand par Léa Marcou.



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