lundi 25 février 2013

Fabrice Humbert: L'origine de la violence

L'origine de la violence - Le livre de poche

Un jeune professeur de français dans un lycée franco-allemand de la capitale est amené à accompagner une de ses classes en voyage d’études à Weimar. Au-delà de la ville de Goethe et Schiller, abondamment présentée comme telle, se profile le camp de Buchenwald, situé dans la tristement célèbre forêt de hêtres, autrefois connue pour avoir été le lieu privilégié des promenades de Goethe. 

Nous sommes immédiatement entraînés dans une vision et une réflexion duelle vis-à-vis de l’Allemagne, terre où les arts culminèrent avant de plonger dans l’horreur absolue. Goethe et Weimar représentent à eux seuls cette grande Allemagne férue de culture, et qui laissa se développer et triompher le Mal. Le roman s’ouvre sur un parallèle entre la chute de Satan et celle de l’Europe : « On dit que Satan était l’ange le plus brillant de Dieu. Sa chute, lumineuse, fulgurante, est marquée du double sceau de la grandeur et de la trahison. (…) l’image de la chute de Satan me revint alors que je prenais en notes un livre d’histoire sur l’Europe au début du XXème siècle. Les pages chargées de chiffres consacraient l’écrasante domination européenne, domination industrielle, financière, militaire, culturelle. (…) C’est à ce moment que je me rappelai l’image biblique, lorsque se superposa au bal lumineux l’idée d’un bal des maudits, où s’effondreraient à deux reprises, et la deuxième fois sans espoir de rémission, toutes les valeurs de ce continent, s’embrasant à l’occasion des deux guerres mondiales et anéantissant des dizaines de millions d’hommes, dans un assaut d’une barbarie sans équivalent. La chute de l’ange le plus brillant, tout au fond de l’abîme, dans l’obscurité la plus sombre. » 

Très vite cependant, la philosophie et la bible cèdent la place à une passionnante enquête sur l’origine du narrateur. Car lors de la visite à Buchenwald, le jeune homme a clairement reconnu son père dans un détenu, sur une des photographies du musée. La ressemblance est trop frappante. Il remonte la piste et comprend pourquoi son père est si différent des autres Fabre, famille bourgeoise de notables issue de Normandie. Notre jeune professeur découvre que son véritable grand-père était David Wagner, qu’il a aimé sa grand-mère alors mariée à Marcel Fabre, et qu’il a été déporté et est mort à Buchenwald. Des interrogations se dénouent, d’autres se créent. Qui a dénoncé le jeune Juif ? Car à l’époque où il a été déporté, on ne touchait pas encore aux Juifs français. On croit se douter de la réponse, mais la fin nous réserve une surprise. Dans cette recherche des  origines, le narrateur croit retrouver les origines de sa propre violence. 

Le roman se clôt sur l’image émouvante de David et Virginie, couple illégitime mais magnifique, amoureux, tragique : « Des amants alanguis dans le plaisir du soleil et de la présence de l’autre. (…) La main de David était immense, le soleil jouait sur la cuisse de Virginie. Et elle fermait toujours les yeux. David, lui, avait les yeux ouverts, comme fasciné. On était au début du monde, avant la chute. » 



Le Passage, Paris-New York Editions, 2009

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