Eliaou
Atlan nous replonge dans l’épopée loufoque et tragique de ce faux messie qui
souleva une vague d’espoir dans des communautés entières au XVII ème siècle, et
qui finit son existence hallucinée et hors-du-commun en exil, à la fin du Yom
Kippour de l’année 1676.
Né cinquante ans plus tôt à Izmir, en
Turquie, le 9 av, ses parents le prédestinent à l’étude de la Torah. Très vite
il fait preuve de capacités intellectuelles étonnantes. Il traîne une cour de
disciples à qui il prodigue des enseignements tirés du Zohar, ce que les ravs
de sa communauté ne voient pas d’un bon œil. Provocateur, subversif, adepte de
la solitude et des jeûnes à répétition, on comprend l’accélération du phénomène
messie, autrement appelé en langage psychiatrique maniaco-dépression, car c’est
véritablement au développement de cette maladie que nous assistons au fil des
pages. Le narrateur, frère aîné du faux messie, est un commerçant avisé,
prospère et respecté qui fait affaire avec l’Europe. Il nous dévoile les
dessous de cette trouble histoire de messianisme en tant que témoin direct et
impuissant, mais nous propose également une chronique de cette Europe de la
Renaissance, de la rencontre avec le christianisme et du quotidien des Juifs en
terre d’Islam. La folie de Chabbtai pousse les rabbanim de sa ville à
l’excommunier ; à partir de là, il ne fera qu’errer et forger sa légende,
ramassant sur sa trajectoire irraisonnée toujours plus d’adeptes, et faisant
courir sur son compte les bruits les plus fous. En Israël il fait la rencontre
décisive de son plus fervent soutien, Nathan, lui-même messie mais qui le
reconnaît aussitôt comme son maître. Dès lors, le phénomène ira en
s’amplifiant, les deux fous s’encourageant mutuellement dans leur dérive. Certains
rabbins se méfient d’eux, mais ils ne pourront empêcher l’exil de communautés
entières, sur les traces de celui qu’elles considéraient alors comme leur
sauveur venu leur montrer le chemin de la Terre Promise. Chabbtai Tsvi
n’hésitera pas à se convertir à l’Islam alors qu’il se trouve face au Sultan,
agacé par ce Juif qui défraye la chronique. Accueilli alors comme un roi dans
le palais du Sultan, Chabbtai entraîne à sa suite des milliers de conversions.
Il représentait un danger certain pour le judaïsme, le menaçant ni plus ni
moins de disparition.
Le roman suit le récit chronologique des
évènements, depuis la naissance jusqu’à la mort de Chabbtai Tsvi, et rend très
justement l’atmosphère de l’époque grâce aux nombreux détails sur les mœurs,
les noms des villes, des souverains, des rabbins, de ces lieux et de ces gens
qui furent le théâtre et les témoins d’un déferlement d’espérance messianique
jusque là inégalé dans le peuple juif.
Seules la renaissance du sionisme et la création de l’Etat d’Israël peuvent
peut-être nous donner une idée des sentiments que Chabbtai Tsvi provoqua parmi
ses coreligionnaires.
Editions
Le Manuscrit 2008
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