dimanche 11 janvier 2015

"Les inoubliables", Jean-Marc Parisis

En se renseignant sur la rafle du Vel' d'Hiv, un écrivain tombe sur la photographie de cinq enfants, quatre frères et une sœur, qui lui sautent aux yeux. Ils ont été arrêtés avec leur mère à La Bachellerie et déportés le 13 avril 1944 après que leur père a été exécuté.

La Bachellerie, c'est en Dordogne, c'est le village où l'écrivain a passé tous ses étés d'enfant et d'adolescent, chez ses grands-parents. Flash-back. Jean-Marc Parisis se souvient, dépeint le village, puis revient à ces enfants: "Comme Alfred, Maurice, Jacques, Isaac et Cécile Schenkel, j'avais eu six, huit, dix, douze et treize ans, à La Bachellerie. Je les regarde mais ils me regardent aussi."

Ce n'est pas un roman. Jean-Marc Parisis n'a pas voulu faire oeuvre de fiction. Il a retrouvé et interrogé des témoins, notamment Benjamin Schupack, lui aussi réfugié à La Bachellerie de Strasbourg au moment de la drôle de guerre. Il a réchappé par miracle à la rafle et a occulté beaucoup d'épisodes, mais devant l'insistance de l'écrivain, il se souvient et raconte. L'arrivée massive des réfugiés alsaciens, juifs et non-juifs, en Dordogne. Comment ils ont été accueillis, acceptés, comment ils se sont organisés dans cet environnement si différent de la ville. Le départ de quelques Alsaciens non-juifs qui retournent à Strasbourg, tandis que tous les Juifs restent, ils n'ont pas le choix, "à cause des Allemands". Comment petit à petit l'étau se resserre, malgré l'activité intense de la Résistance dans la région et la complicité de la population, acquise au maquis. Las, le 21 mars 1944, "un essaim de miliciens fond sur La Bachellerie".

Jean-Marc Parisis interroge, recoupe ses informations et raconte. Depuis qu'il a vu cette photo, ces cinq enfants, qui ont comme lui vécu à La Bachellerie, c'est devenu une obsession, une obligation, un devoir; "Je les regarde mais ils me regardent aussi." Il écrit les lâchetés, les peurs, les espoirs, les actes de bravoure et de solidarité, les trahisons, il fait revivre ce microcosme emblématique de la France occupée pour mieux se souvenir des enfants Schenkel.

Jusqu'aux dernières lignes, l'auteur s'interroge sur cette quête qui s'est emparé de son être: "Que faisais-je encore là à prélever sur ces paysages la trace des yeux qui s'y étaient posés? En mars 1944, ils étaient partis pour toujours de La Bachellerie. Comme j'y revenais toujours. Toujours nous unit."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire